Un grand merci à toutes celles et ceux qui se sont déplacés pour faire du bruit et manifester leur solidarité ce matin afin de soutenir les 9 10 prévenu-e-s (une personne ayant appris sa comparution tardivement).
Suite au procès de ce matin, la décision a été mise en délibéré au jeudi 21 décembre à 14h.
De nouvelles initiatives du comité de soutien sont prévues d’ici là, elles seront communiquées sur ce blog.
Un petit aperçu du traitement du procès dans la presse régionale :
Nouvelle République : Procès des voies SNCF : délibéré le 21 décembre
Centre Presse :
France 3 : 9 manifestants jugés pour avoir envahi les voies ferrées
France Bleu : « On ne nous juge pas pour ce que l’on a fait, mais pour ce que l’on est »
Forum : Poitiers : des manifestants jugés pour l’envahissement de voies ferrées
Ci-dessous la déclaration au tribunal de l’une des prévenu-e-s :
Le 19 mai 2016, dans le cadre d’une manifestation contre la loi travail appelée par l’intersyndicale de Poitiers (CGT, FO, FSU, Solidaires, CNT-SO, UNEF, SGL), il y a donc eu une action de solidarité envers les cheminots, en grève au niveau national depuis trois jours. Des centaines de personnes ont occupé les voies ferrées sans dégradations, sans incidents, sans interpellations. Tout le monde a quitté les lieux peu à peu pour terminer tranquillement la manifestation devant la gare.
600 personnes ont participé à cette action, d’après La Nouvelle République, et la police parle d’« une grande partie des 650 manifestants »… mais 10 personnes ont été inculpées.
Pourquoi ? Qu’ont-elles fait de plus que les autres ?
Le commandant Olivier nous fournit des éléments de réponse dans son procès-verbal, qui figure dans le dossier d’instruction. Il écrit en effet, le 1er juin 2016 :
« Compte tenu du nombre très important de manifestants ayant envahi les voies ferrées le 19 mai 2016, ciblons aux fins d’identification le groupe ayant refusé de les quitter à 17 heures et s’y étant maintenu jusqu’aux environs de 17 h 30, groupe essentiellement sans affiliation syndicale (aucun drapeau de ces organisations) et émanant prioritairement de la mouvance d’extrême gauche locale. Procédons dès lors au visionnage des vidéos enregistrées par les effectifs entre 17 heures et 17 h 30. Constatons que plusieurs individus bien connus de nos services sont parfaitement identifiables. »
Il suggère par son récit trois idées :
- Un « groupe » – qui serait nous, les 10 inculpé-e-s – est resté jusqu’à la fin de l’action et, pour cette raison, il en serait responsable. En fait, non seulement nous y avons participé avec des centaines d’autres personnes, mais nous ne l’avons pas organisée. Et nous n’avons pas plus « refusé » de quitter les voies ferrées que les autres : nous avons décidé d’en partir, sans que la police ait fait de sommations, pour arrêter de manifester devant la gare, comme il était prévu.
- Il y aurait, d’un côté, les « bons » manifestants (les syndiqués) et, de l’autre, ce groupe « émanant prioritairement de la mouvance d’extrême gauche locale ». Dans la réalité, tous les syndiqués ne portent pas un drapeau ou d’autres signes d’appartenance à leur syndicat, et tous les courants politiques opposés à la loi travail, qui étaient représentés là, se sont éparpillés sur les voies ferrées, faisant disparaître l’organisation du cortège. Il n’y avait plus de groupes bien définis… et pourtant nous, qui avons été convoqués au commissariat trois semaines plus tard, nous sommes toutes et tous des militantes et militants anticapitalistes et/ou libertaires.
- Le choix fait par la police de procéder au visionnage des vidéos enregistrées par ses effectifs entre 17 heures et 17 h 30 serait d’ordre pratique – sa tâche étant facilitée par le fait que la plupart des manifestants étaient alors repartis. Or, nous sommes restés nombreux jusqu’à 17 h 30.
La SNCF avait été prévenue dès le matin par la police qu’un envahissement des voies était projeté. Elle a envoyé un huissier le constater et celui-ci a déclaré, le 19 mai 2016 : « Vers 17 heures, les représentants syndicaux appellent les manifestants à poursuivre la manifestation en se dirigeant vers le parvis de la gare pour discuter des suites, et les invitent à dégager les voies. Le mouvement s’engage lentement. Vers 17 h 30, j’estime à environ une centaine de personnes présentes qui ont totalement dégagé les voies. »
De même, le commandant Le Hir a écrit dans son PV du même jour : « A 17 h 09, constatons que les premiers manifestants finissent par quitter les voies volontairement (…). Ne restent alors sur place qu’une centaine de manifestants dont un certain nombre affiliés à la mouvance d’extrême gauche locale. A 17 h 25, l’ensemble des manifestants acceptent de quitter volontairement les voies. »
Etant donné les portraits de certaines personnes que la police a réussi à faire au milieu des nombreuses autres présentes jusqu’à la fin, elle pouvait parfaitement procéder de même avec ses autres vidéos – mais elle a choisi de ne pas le faire.
La police assure nous avoir convoqués et inculpés parce que nous sommes des « individus bien connus » de ses services, mais il y avait, bien sûr, là pas mal de militants et militantes d’autres sensibilités politiques que la nôtre, et tout aussi connus d’elle pour leur engagement – à commencer par les personnes qui ont pris la parole au mégaphone sur les voies. Il serait donc beaucoup plus juste de dire que la police a opéré un tri parmi les manifestants de façon à cibler les personnes qu’elle voulait voir inculper : des personnes connues pour leur engagement anticapitaliste et/ou libertaire.
Aussi, quand nous avons tour à tour reçu une convocation au commissariat, nous avons décidé d’avoir une attitude commune face à ce ciblage politique, de ne répondre à aucune question de la police et de dénoncer publiquement la sélection des manifestants qu’elle avait opérée à notre détriment comme étant une atteinte à la liberté d’expression, voire d’opinion.